Citationes

« Comme le chrétien se prépare à la mort, le moderne se prépare à la retraite. »

  • Charles Péguy, « Note conjointe sur M. Descartes », in Œuvres complètes de Charles-Péguy (1873-1914), éd. Éditions de la Nouvelle revue française, vol. 9, p. 250

« Le vieillissement est essentiellement […] une opération de retour, et de regret. […] Le vieillissement est essentiellement une opération de mémoire […]. Or c’est la mémoire qui fait toute la profondeur de l’homme. »

  • Charles Péguy, Clio, Dialogue de l’histoire et de l’âme païenne, in Œuvres en prose complètes, éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, t. 1, p. 1175

« La crise de l'enseignement n'est pas une crise de l'enseignement ; il n'y a pas de crise de l'enseignement ; il n'y a jamais eu de crise de l'enseignement ; les crises de l'enseignement ne sont pas des crises de l'enseignement ; elles sont des crises de vie ; elles dénoncent, elles représentent des crises de vie et sont des crises de vie elles-mêmes ; elles sont des crises de vie partielles, éminentes, qui annoncent et accusent des crises de la vie générales ; ou si l’on veut les crises de vie générales, les crises de vie sociales s'aggravent, se ramassent, culminent en crises de l'enseignement, qui semblent particulières ou partielles, mais qui en réalité sont totales, parce qu'elles représentent le tout de la vie sociale ; c’est en effet à l’enseignement que les épreuves éternelles attendent, pour ainsi dire, les changeantes humanités ; le reste d’une société peut passer, truqué, maquillé ; l’enseignement ne passe point ; quand une société ne peut pas enseigner, ce n’est point qu’elle manque accidentellement d’un appareil ou d’une industrie ; quand une société ne peut pas enseigner, c'est que cette société ne peut pas s'enseigner ; c'est qu'elle a honte, c'est qu'elle a peur de s'enseigner elle-même ; pour toute humanité, enseigner, au fond, c'est s'enseigner ; une société qui n'enseigne pas est une société qui ne s'aime pas ; qui ne s'estime pas ; et tel est précisément le cas de la société moderne. »

  • Charles Péguy, Pour la rentrée (1904), in Œuvres en prose complètes, éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, t. 1, p. 1390

« On ne saura jamais tout ce que la peur de ne pas paraître assez avancé aura fait commettre de lâchetés à nos Français. »

  • Charles Péguy, Notre Patrie (1905), in Œuvres complètes de Charles Péguy, vol. 2, éd. Nouvelle Revue Française, 1916, p. 322

« Celui qui voudrait faire un procès du monde moderne, et qui ne pourrait pas résister à la tentation, il faudrait d'abord, pour trouver l'incurable sottise, percer, dénoncer tout ce parasitisme universel du monde moderne vivant uniquement, ne vivant que des héritages de tous ces mondes anciens dont il passe en même temps tout sou temps à dire que tous ces mondes-là, que tous ces mondes précisément étaient des mondes stupides, des mondes foutues bêtes, et les derniers des mondes imbéciles. [...] il vit presque entièrement sur les humanités passées, qu'il méprise, et feint d'ignorer, dont il ignore très réellement les réalités essentielles, dont il n'ignore point les commodités, usages, abus et autres utilisations. La seule fidélité du monde moderne, c'est la fidélité du parasitisme. »

« Aujourd'hui, dans le désarroi des consciences, nous sommes malheureusement en mesure de dire que le monde moderne s'est trouvé, et qu'il s'est trouvé mauvais. »

« On oublie trop que le monde moderne, sous une autre face, est le monde bourgeois, le monde capitaliste. C’est même un spectacle amusant que de voir comment nos socialistes antichrétiens, particulièrement anticatholiques, insoucieux de la contradiction, encensent le même monde sous le nom de moderne et le flétrissent, le même, sous le nom de bourgeois et de capitaliste. »

« Chaque monde sera jugé sur ce qu'il a considéré comme négociable ou non négociable. Tout l'avilissement du monde moderne, c'est-à-dire toute la mise à bas prix du monde moderne, vient de ce que le monde moderne a considéré comme négociables des valeurs que le monde chrétien et le monde antique ont considéré comme non négociables. Et cette universelle négociation fait cet universel avilissement. »

« Aussitôt après nous commence le monde que nous avons nommé, que nous ne cesserons pas de nommer le monde moderne. Le monde qui fait le malin. Le monde des intelligents, des avancés, de ceux qui savent, de ceux à qui on n’en remontre pas, de ceux à qui on n’en fait pas accroire. Le monde de ceux à qui on n’a plus rien à apprendre. Le monde de ceux qui font le malin. Le monde de ceux qui ne sont pas des dupes, des imbéciles. Comme nous. C’est-à-dire : le monde de ceux qui ne croient à rien, pas même à l’athéisme, qui ne se dévouent, qui ne se sacrifient à rien. Exactement : le monde de ceux qui n’ont pas de mystique. Et qui s’en vantent. »

« L’intellectuel moderne est un parasite ingrat du monde ancien. Il ne vit que des héritages de mondes qu’il passe son temps à dénigrer. Le moderne n’est plus le fils de l’ancien, il en est le juge et le bourreau. »

« Deux mille ans de labeur ont fait de cette terre

Un réservoir sans fin pour les âges nouveaux. »

  • Charles Péguy, « Présentation de la Beauce à Notre-Dame de Chartres »
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« Ce qui est dangereux, c’est ce grand cadavre mort du monde moderne. »

« L'ordre, et l'ordre seul, fait en définitive la liberté. Le désordre fait la servitude. »

« La patrie est une certaine quantité de terre où on parle une langue, où peuvent régner les coutumes, c’est un esprit, une âme, un culte, c’est la portion de terre où une âme peut respirer. Une terre qui est arrivée à être pour nous une maison. »

« Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle,
Mais pourvu que ce fût dans une juste guerre. [...]
Heureux ceux qui sont morts dans les grandes batailles,
Couchés dessus le sol à la face de Dieu [...]
Heureux les épis mûrs et les blés moissonnés »

« Depuis les cités grecques et avant, les patries sont toujours défendues par les gueux et livrées par les riches, car les riches n’ont que des biens temporels à perdre, alors que les gueux ont à perdre ce bien : l’amour de la patrie. »

« Une seule injustice, un seul crime, une seule illégalité, surtout si elle est officiellement enregistrée, confirmée, une seule injure à l'humanité, une seule injure à la justice, et au droit surtout si elle est universellement, légalement, nationalement, commodément acceptée, un seul crime rompt et suffit à rompre tout le pacte social, tout le contrat social, une seule forfaiture, un seul déshonneur suffit à perdre, d'honneur, à déshonorer tout un peuple. C'est un point de gangrène, qui corrompt tout le corps. Ce que nous défendons, ce n'est pas seulement notre honneur. Ce n'est pas seulement l'honneur de tout notre peuple, dans le présent, c'est l'honneur historique de notre peuple, tout l'honneur historique de toute notre race, l'honneur de nos aïeux, l'honneur de nos enfants. Et plus nous avons de passé, plus nous avons de mémoire, plus ainsi [...] nous avons de responsabilité, plus ainsi aussi ici nous devons la défendre ainsi. Plus nous avons de passé derrière nous, plus (justement) il nous faut le défendre ainsi, le garder pur. »

  • Charles Péguy, Notre Jeunesse, Œuvres en prose, 1909-1914, éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1959, p. 646

« Celui qui sait la vérité et ne gueule pas la vérité se fait le complice des escrocs et des faussaires. »

« Demander la victoire et ne pas avoir l'intention de se battre, je trouve ça mal élevé. »

« Avoir la paix, le grand mot de toutes les lâchetés cyniques et intellectuelles. »

« J'ai tant vu de défaites qui arrivaient après des victoires, et j'ai tant vu, aussi, de victoires qui arrivaient après des défaites, que je ne crois plus jamais que c'est fini. »

« ― Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle,
Mais pourvu que ce fût dans une juste guerre.
Heureux ceux qui sont morts pour quatre coins de terre.
Heureux ceux qui sont morts d’une mort solennelle.

Heureux ceux qui sont morts dans les grandes batailles,
Couchés dessus le sol à la face de Dieu.
Heureux ceux qui sont morts sur un dernier haut lieu,
Parmi tout l’appareil des grandes funérailles.

Heureux ceux qui sont morts pour des cités charnelles.
Car elles sont le corps de la cité de Dieu.
Heureux ceux qui sont morts pour leur âtre et leur feu,
Et les pauvres honneurs des maisons paternelles.

Car elles sont l’image et le commencement
Et le corps et l’essai de la maison de Dieu.
Heureux ceux qui sont morts dans cet embrassement,
Dans l’étreinte d’honneur et le terrestre aveu. »

  • Charles Péguy, « Ève » (1913), Cahiers de la Quinzaine, Quatrième cahier de la Quinzième série, 1914, pp. —-395

"The triumph of demagoguery is fleeting, but the ruins are eternal."

« Le triomphe des démagogies est passager. Mais les ruines sont éternelles. »
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« Tout commence en mystique et finit en politique. »

« On ne saura jamais ce que la peur de ne pas paraître à gauche aura fait commettre de lâchetés à nos Français. »

« Israël a fourni des prophètes innombrables, des héros, des martyrs, des guerriers sans nombre. Mais enfin, en temps ordinaire le peuple d’Israël est comme tous les peuples, il ne demande qu’à ne pas entrer dans un temps extraordinaire. Quand il est dans une période, il est comme tous les peuples, il ne demande qu’à ne pas entrer dans une époque. Quand il est dans une période, il ne demande qu’à ne pas entrer dans une crise. Quand il est dans une bonne plaine, bien grasse, où coulent les ruisseaux de lait et de miel, il ne demande qu’à ne pas remonter sur la montagne, cette montagne fût-elle ma montagne de Moïse. Israël a fourni des prophètes innombrables ; plus que cela elle est elle-même prophète, elle est elle-même la race prophétique. Tout entière, en un seul corps, un seul prophète. Mais enfin elle ne demande que ceci : c’est de ne pas donner matière aux prophètes à s’exercer. Elle sait ce que ça coûte. Instinctivement, historiquement, organiquement pour ainsi dire elle sait ce que ça coûte. Sa mémoire, son instinct, son organisme même, son corps temporel, son histoire, toute sa mémoire le lui disent. Toute sa mémoire en est pleine. Vingt, quarante, cinquante siècles le lui disent... Ils savent ce que ça coûte eux, que d’être la voix charnelle et le corps temporel. Ils savent ce que ça coûte que de porter Dieu et ses agents les prophètes. »

« [...] c'est une question de savoir si nos fidélités modernes, je veux dire nos fidélités chrétiennes baignant dans le monde moderne, assaillies, battues de tous les vents, battues de tant d'épreuves, et qui viennent de passer intactes par ces deux siècles d'épreuves intellectuelles [...] n'en reçoivent pas une singulière beauté, une beauté non encore obtenue, et une singulière grandeur aux yeux de Dieu. Nos fidélités sont des citadelles. Ces croisades qui transportaient des peuples, [...] qui jetaient des continents les uns sur les autres, [...] elles ont reflué chez nous, elles sont revenues jusque dans nos maisons. [...] Le moindre de nous est littéralement un croisé. [...] nous sommes tous des îlots battus d'une incessante tempête et nos maisons sont toutes des forteresses dans la mer. »

  • Charles Péguy, Un nouveau théologien (1911), in Œuvres complètes, vol. XIII, éd. Nouvelle Revue Française, 1931, pp. 100-108

« Il y a quelque chose de pire que d'avoir une mauvaise pensée. C'est d'avoir une pensée toute faite. Il y a quelque chose de pire que d'avoir une mauvaise âme et même de se faire une mauvaise âme. C'est d'avoir une âme toute faite. Il y a quelque chose de pire que d'avoir une âme même perverse. C'est d'avoir une âme habituée. »

  • Charles Péguy, « Note conjointe sur M. Descartes », in Œuvres en prose, 1909-1914, éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1959, p. 1397
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