“Toute grande impulsion nouvelle, toute révolution et toute réforme, toute élite nouvelle est le fruit d’une ascèse et de la pauvreté volontaire ou imposée, celle-ci étant avant tout renoncement à la sécurité du statu quo.”

Carl Schmitt, La notion de politique, 1933

« Il n'y a pas de politique libérale sui generis. Il n'y a qu'une critique libérale de la politique.

En effet, s'il existe une politique libérale sous forme d'opposition polémique visant les restrictions de la liberté individuelle par l'État, le libéralisme ne déploie aucune théorie positive du politique qui lui soit propre.

Le libéralisme n'ayant pas plus échappé au politique que n'importe quel mouvement humain, les libéraux ont certes pu conclure de multiples alliances avec des idées ou des éléments non-libéraux sous forme de national-libéralisme, social-libéralisme, conservatisme ou catholicisme libéral.

C'est que le libéralisme constitue avant tout une critique des autres régimes politiques, vis-à-vis desquels il fournit une série de méthodes propres à freiner, contrôler - voire neutraliser - la puissance d'État au profit de la liberté individuelle et de la propriété privée.

Plus profondément, la défiance typiquement libérale à l'égard de l'État et de la politique s'explique par le fait que toute unité politique exige, le cas échéant, que l'on sacrifie sa vie pour elle.

Or, le libéralisme bourgeois, faisant de l'individu l'origine et la destination du collectif, il ne saurait tolérer un tel principe. »

— La notion de politique, 1933


« Il est pensable qu'une action internationale soit menée contre des Etats et des peuples en tant que tels ; mais il est rare que ceux-ci soient assez totalement criminels pour qu'un peuple entier puisse être déclaré « hostis generis humani » et mis au ban de l'humanité. Lorsqu'on exerce des sanctions ou des mesures punitives de portée supra-étatique, la « dénationalisation » de la guerre [ au profit d'une conception universaliste ] entraîne habituellement une différenciation interne à l'Etat et au peuple, dont l'unité et la cohésion subissent un clivage discriminatoire imposé de l'extérieur, du fait que les mesures internationales, à ce que l'on prétend du moins, ne sont pas dirigées contre le peuple, mais seulement contre les personnes se trouvant exercer le pouvoir et leurs partisans, qui cessent par là-même de représenter leur Etat et leur peuple. Les gouvernants deviennent, en d'autres termes, des « criminels de guerre », des « pirates » ou - du nom de l'espèce moderne et mégalopolitaine du pirate - des « gangsters ». Et ce ne sont pas là des expressions convenues d'une propagande survoltée : c'est la conséquence logique, en droit, de la dénationalisation de la guerre. »

— Carl Schmitt, « Le concept discriminatoire de la guerre », 1938