Philippe Muray, Chers djihadistes... (2002), éd. Mille et Une Nuits, 2002.


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Chers djihadistes, toutes ces réflex­ions aussi brèves que super­fi­cielles n’avaient pour but que de vous faire savoir où vous met­tez les pieds. Et, une fois encore, de vous aver­tir que nous vain­crons parce que nous sommes les plus faibles.

Craignez la fureur des mou­tons ! Craignez la colère des bre­bis enragés !

Vous voulez notre peau, mais sachez que nous nous bat­trons jusqu’au dernier et que si par mal­heur vous tri­om­phiez ce ne serait que sur des mon­ceaux de cadavres comme vous ne pou­vez pas en imag­iner et qui, même à vous, soulèveraient le cœur et sup­primeraient jusqu’à l’envie de jouir de votre triomphe.

Mais vous ne tri­om­pherez pas. [...] La déter­mi­na­tion, certes, et surtout la foi, sem­blent dans votre camp. Mais il n’est pas dit que la foi, dans le com­bat qui s’engage, soit meilleure con­seil­lère que notre défini­tive inca­pac­ité à pren­dre au pied de la let­tre les fables de nos anci­ennes croy­ances. Vous vous endormez dans les délices du mar­tyre, mais il est plus facile de mourir pour un Dieu que de lui sur­vivre. La sor­tie de la croy­ance est un rude sen­tier dans laque­lle nous avons appris des choses que vous ne con­nais­sez pas encore. Sur ce chemin incer­tain, nous avons acquis une con­fi­ance qui vous éton­nera. La fureur que nous met­trons à vous résis­ter vous stupéfiera.

Craignez le cour­roux de l’homme en bermuda ! Craignez la colère du con­som­ma­teur, du voyageur, du touriste, du vacancier descen­dant de son camping-car ! Vous nous imag­inez vautrés dans des plaisirs et des loisirs qui nous ont ramol­lis ? Eh bien nous lut­terons comme des lions pour pro­téger notre ramollissement.

Nous nous bat­trons pied à pied, mètre par mètre et minute par minute.

Nous nous bat­trons.

Nous nous bat­trons pour tout, pour les mots qui n’ont plus de sens et pour la vie qui va avec.

Nous nous bat­trons pour l’ordre mon­dial car­i­tatif et les endroits où ça bouge bien.

Nous nous bat­trons pour la vie jeune et les arts alternatifs.

Nous lut­terons pour nos tour-opérateurs, pour nos com­pag­nies aéri­ennes, pour nos chaînes hôtelières, pour nos prestataires de ser­vice, pour nos pages Web et pour nos for­faits à prix coû­tant.

Nous lut­terons pour le réchauf­fe­ment de la Terre, pour la mon­tée du niveau des mers, pour le réduc­tion des émis­sions de gaz car­bonique, pour toutes les cat­a­stro­phes et pour tous les moyens de lim­iter l’impact de celles ci.

Nous nous bat­trons pour un mil­le­nium de n’importe quoi, pour les bateaux qui volent, pour la pilule d’éternité, pour les savants fous qui veu­lent cloner tout le monde et pour une oppo­si­tion résolue à leurs som­bres des­seins.

Nous nous bat­trons pour nos com­mu­nautés com­mu­nau­taristes, pour nos tribus trib­ales, pour nos reven­di­ca­teurs reven­di­cat­ifs et pour tous nos étu­di­ants en rébel­lion qui valent de très loin vos étu­di­ants en religion.

Nous nous bat­trons jusqu’au dernier pour bouger, changer, faire des pro­jets.

Nous nous bat­trons pour nos bébés pre­scrip­teurs et pour leur libre accès aux ser­vices cul­turels.

Nous nous bat­trons pour nos grandes batailles pour la par­ité par­i­taire, pour le repen­tance repen­ta­toire et pour la sur­veil­lance des écarts de langage.

Nous nous bat­trons pour recom­mencer à nous déplacer sur nos roulettes sans arrière-pensées et sans pen­sées devant non plus.

Nous nous fer­ons tailler en pièces pour la con­ser­va­tion et le développe­ment de nos cel­lules d’urgence médico-psychiatrique.

Nous nous bat­trons sans fin parce que la fin est adv­enue depuis longtemps et que nous n’en gar­dons même pas la mémoire.

Nous nous bat­trons pour le plaisir d’avoir oublié jusqu’à notre pro­pre fin.

Nous nous bat­trons dans le sens du poil et dans le sens du vent.

Nous nous bat­trons pour la dis­pari­tion du lan­gage artic­ulé.

Nous nous bat­trons.

Et nous vain­crons. Bien évidem­ment. Parce que nous sommes les plus morts.

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