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Citationes

« La civilisation occidentale apparaît dans l’histoire comme une anomalie : parmi toutes celles qui nous sont connues plus ou moins complètement, cette civilisation est la seule qui se soit développée dans un sens purement matériel, et ce développement monstrueux, dont le début coïncide avec ce qu’on est convenu d’appeler la Renaissance a été accompagné, comme il devait l’être fatalement, d’une régression intellectuelle correspondante ; nous ne disons pas équivalente, car il s’agit de deux ordre de choses entre lesquels il ne saurait y avoir aucune commune mesure. Cette régression en est arrivée à un tel point que les Occidentaux d’aujourd’hui ne savent plus ce que peut-être l’intellectualité pure, qu’ils ne soupçonnent même pas que rien de tel puisse exister : de là leur dédain, non seulement pour les civilisations orientales, mais même pour le Moyen Age européen, dont l’esprit ne leur échappe guère moins complètement. »

— René Guénon, Orient et Occident (1924), éd. Guy Trédaniel, coll. « Éditions de la Maisnie », 1987, p. 19


« [...] si tous les hommes comprenaient ce qu’est vraiment le monde moderne, celui-ci cesserait aussitôt d’exister [...]. »

— René Guénon, La Crise du monde moderne (1927), éd. Gallimard, coll. « NRF », 1986 (ISBN 9782070230051), p. 125


« Ce que nous entendons par “individualisme”, c’est la négation de tout principe supérieur à l’individualité, et, par suite, la réduction de la civilisation, dans tous les domaines, aux seuls éléments purement humains [...]. »

— René Guénon, La Crise du monde moderne (1927), éd. Gallimard, coll. « NRF », 1986 (ISBN 9782070230051), p. 68


« Qui dit individualisme dit nécessairement refus d'admettre une autorité supérieure à l'individu, aussi bien qu'une faculté de connaissance supérieure à la raison individuelle ; les deux choses sont inséparables l'une de l'autre. Par conséquent, l'esprit moderne devait rejeter toute autorité spirituelle au vrai sens du mot, prenant sa source dans l'ordre supra-humain, et toute organisation traditionnelle, qui se base essentiellement sur une autorité, quelle que soit la forme qu'elle revêt, forme qui diffère naturellement suivant les civilisations. »

— René Guénon, La Crise du monde moderne (1927), éd. Gallimard, coll. « NRF », 1986 (ISBN 9782070230051), p. 74


« On voit combien le “moralisme” spirite s’apparente étroitement à toutes les utopies socialistes et humanitaires : tous ces gens s’accordent à situer dans un avenir plus ou moins lointain le "paradis terrestre", c’est-à-dire la réalisation de leurs rêves de "pacifisme" et de "fraternité universelle" ; seulement, les spirites supposent en outre qu’ils sont déjà réalisés actuellement dans d’autres planètes. Il est à peine besoin de faire remarquer combien leur conception des "mondes supérieurs à la terre" est naïve et grossière ; il n’y a pas à s’en étonner, quand on a vu comment ils se représentent l’existence de l’“esprit désincarné” ; signalons seulement la prédominance évidente de l’élément sentimental dans ce qui constitue pour eux la “supériorité”. C’est pour la même raison qu’ils mettent le “progrès moral” au-dessus du “progrès intellectuel” [...]. »

— René Guénon, L’Erreur Spirite (1923), éd. Éditions Traditionnelles, 1952, p. 279


« [...] prendre pour un “progrès intellectuel” ce qui n’est qu’un développement purement matériel, borné à l’ordre des sciences expérimentales [...], et surtout de leurs applications industrielles, c’est bien là la plus ridicule de toutes les illusions. [...] Quant au soi-disant “progrès moral”, c’est là affaire de sentiment, donc d’appréciation individuelle pure et simple ; [...] rien n’est moins tolérant en pratique que les gens qui éprouvent le besoin de prêcher la tolérance et la fraternité. »

— René Guénon, L’Erreur Spirite (1923), éd. Éditions Traditionnelles, 1952, p. 281-282


« Si l’on définit la “démocratie” comme le gouvernement du peuple par lui-même, c’est là une véritable impossibilité, une chose qui ne peut pas même avoir une simple existence de fait, pas plus à notre époque qu’à n’importe quelle autre ; il ne faut pas se laisser duper par les mots, et il est contradictoire d’admettre que les mêmes hommes puissent être à la fois gouvernants et gouvernés [...] ; mais la grande habileté des dirigeants, dans le monde moderne, est de faire croire au peuple qu’il se gouverne lui-même ; et le peuple se laisse persuader d’autant plus volontiers qu’il en est flatté et que, d’ailleurs il est incapable de réfléchir assez pour voir ce qu’il y a là d’impossible. C’est pour créer cette illusion qu’on a inventé le “suffrage universel” : c’est l’opinion de la majorité qui est supposée faire la loi ; mais ce dont on ne s’aperçoit pas, c’est que l’opinion est quelque chose que l’on peut très facilement diriger et modifier ; [...] c’est seulement dans ces conditions, en effet, que les politiciens en question peuvent apparaître comme l’émanation de la majorité, étant ainsi à son image, car la majorité, sur n’importe quel sujet qu’elle soit appelée à donner son opinion, est toujours constituée par les incompétents, dont le nombre est incomparablement plus grand que celui des hommes capables de se prononcer en parfaite connaissance de cause.

Ceci nous amène immédiatement à dire en quoi l’idée que la majorité doit faire la loi est essentiellement erronée, car, même si cette idée, par la force des choses, est surtout théorique et ne peut correspondre à une réalité effective, il reste pourtant à expliquer comment elle a pu s’implanter dans l’esprit moderne, quelles sont les tendances de celui-ci auxquelles elle correspond et qu’elle satisfait au moins en apparence. Le défaut le plus visible, c’est celui-là même que nous indiquions à l’instant : l’avis de la majorité ne peut être que l’expression de l’incompétence, que celle-ci résulte d’ailleurs du manque d’intelligence ou de l’ignorance pure et simple ; on pourrait faire intervenir à ce propos certaines observations de “psychologie collective”, et rappeler notamment ce fait assez connu que, dans une foule, l’ensemble des réactions mentales qui se produisent entre les individus composants aboutit à la formation d’une sorte de résultante qui est, non pas même au niveau de la moyenne, mais à celui des éléments les plus inférieurs. »

— René Guénon, La Crise du monde moderne (1927), éd. Gallimard, coll. « NRF », 1986 (ISBN 9782070230051), p. 88-89


« [...] il semble même que, pour les philosophes, il s'agisse de poser des “problèmes”, fussent-ils artificiels et illusoires, bien plus que de les résoudre, ce qui est un des aspects du besoin désordonné de la recherche pour elle-même, c'est-à-dire de l'agitation la plus vaine dans l'ordre mental, aussi bien que dans l'ordre corporel. Il s'agit aussi, pour ces mêmes philosophes, d'attacher leur nom à un “système”, c'est-à-dire à un ensemble de théories strictement borné et délimité, et qui soit bien à eux, qui ne soit rien d'autre que leur œuvre propre ; de là le désir d'être original à tout prix, même si la vérité doit être sacrifiée à cette originalité : mieux vaut, pour la renommée d'un philosophe, inventer une erreur nouvelle que de redire une vérité qui a déjà été exprimée par d'autres. Cette forme de l'individualisme, à laquelle on doit tant de "systèmes" contradictoires entre eux, quand ils ne le sont pas en eux-mêmes, se rencontre d'ailleurs tout aussi bien chez les savants et les artistes modernes ; mais c'est peut-être chez les philosophes qu'on peut voir le plus nettement l'anarchie intellectuelle qui en est l'inévitable conséquence. »

— René Guénon, La Crise du monde moderne (1927), éd. Gallimard, coll. « NRF », 1986 (ISBN 9782070230051), p. 69


« Ceux qui seraient tentés de céder au découragement doivent penser que rien de ce qui est accompli dans cet ordre ne peut jamais être perdu, que le désordre, l’erreur et l’obscurité ne peuvent l’emporter qu’en apparence et d’une façon toute momentanée, que tous les déséquilibres partiels et transitoires doivent nécessairement concourir au grand équilibre total, et que rien ne saurait prévaloir finalement contre la puissance de la vérité ; leur devise doit être celle qu’avaient adoptée autrefois certaines organisations initiatiques de l’Occident : Vincit omnia Veritas. »

— René Guénon, La Crise du monde moderne (1927), éd. Gallimard, coll. « NRF », 1986 (ISBN 9782070230051), p. 134


« Nous pensons d’ailleurs qu’une tradition occidentale, si elle parvenait à se reconstituer, prendrait forcément une forme extérieure religieuse, au sens le plus strict de ce mot, et que cette forme ne pourrait être que chrétienne, car, d’une part, les autres formes possibles sont depuis trop longtemps étrangères à la mentalité occidentale, et, d’autre part, c’est dans le Christianisme seul, disons plus précisément encore dans le Catholicisme, que se trouvent, en Occident, les restes d’esprit traditionnel qui survivent encore. Toute tentative traditionaliste qui ne tient pas compte de ce fait est inévitablement vouée à l’insuccès, parce qu’elle manque de base ; il est trop évident qu’on ne peut s’appuyer que sur ce qui existe d’une façon effective, et que, là où la continuité fait défaut, il ne peut y avoir que des reconstitutions artificielles et qui ne sauraient être viables ; si l’on objecte que le Christianisme même, à notre époque, n’est plus guère compris vraiment et dans son sens profond, nous répondrons qu’il a du moins gardé, dans sa forme même, tout ce qui est nécessaire pour fournir la base dont il s’agit. »

— René Guénon, La Crise du monde moderne (1927), éd. Gallimard, coll. « NRF », 1986 (ISBN 9782070230051), p. 36


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